Opinion

Un synode bien plus profond qu’il n’y paraît

Les portes de la grande salle Paul VI se sont refermées dimanche 29 octobre après le départ des 364 membres de l’assemblée synodale réunie par le Pape François. C’est sous les applaudissements que s’est clôturé ce mois d’échanges et de travail, un mois riche pour une assemblée venue des quatre coins du monde qui a pu expérimenter la nouvelle méthode de réflexion voulue par le Pape François.

Plusieurs médias français ont réagi dans le même sens : ce synode n’aurait servi à rien, les avancées attendues – ou redoutées – sur le mariage des prêtres, la prêtrise des femmes, la bénédiction des couples homosexuels ou la communion des divorcés remariés n’ayant pas eu lieu. Ce n’est absolument pas une surprise pour qui a suivi de près ce synode et en a compris les enjeux. Car ces sujets n’ont en réalité jamais été l’objet central de ce synode, mais bien plus les revendications d’une partie des occidentaux qui projettent sur l’Eglise leurs propres vues et fantasmes. L’Eglise n’a pas pour vocation de suivre les évolutions sociétales occidentales, et elle n’est pas non plus une démocratie. La communication qui en a été faite a peut-être généré trop de faux espoirs, irrémédiablement déçus. Les fruits de ce synode se situent bien au-delà, et se verront sur un temps beaucoup plus long.

L’objectif de ce synode – du grec « cheminer ensemble » – a été de réfléchir sur comment mieux avancer ensemble, en remettant l’amour de Dieu et du prochain au centre : il a porté sur la méthode avant tout. Comment mieux dialoguer, comment mieux s’écouter les uns les autres, alors que les membres de l’Eglise ont des vies – et des avis – extrêmement variés ? Regroupés par langue de travail autour de 35 tables d’une douzaine de places chacune, les participants – femmes, hommes, laïcs, clercs – ont pu échanger et faire part de leurs points de vue personnel, le tout sous la direction des évêques dont le rôle, l’autorité et la légitimité ne sont en aucun cas remis en cause. Certains ont d’ailleurs témoigné avoir rarement l’occasion de tels échanges. Cette méthode de travail n’est pas non plus un « rattrapage » sur le monde moderne, mais s’inspire directement de la manière dont les premiers chrétiens faisaient avancer l’Eglise, essentiellement par dialogue et concertations au sein de petites communautés (Romains, Corinthiens, Galates, Thessaloniciens…) qui incluaient hommes et femmes, couples et célibataires, comme en témoignent les lettres de Saint Paul notamment.

Les questions de la place des personnes homosexuelles, des divorcés remariés, ou de la polygamie qui concerne davantage les pays d’Afrique, ont été reprises sous la bannière plus large de l’accueil par l’Eglise des personnes qui aujourd’hui se sentent blessées et exclues par son discours et ses manières de faire. Le sujet de la place des femmes dans l’Eglise a été particulièrement approfondi, pour plusieurs raisons : elle est apparue tout d’abord dans l’ensemble des remontées des pays et pas seulement dans une région ou continent en particulier. Elle n’implique ensuite en aucun cas une remise en question du dogme de l’Eglise : ce point n’est pas discuté au nom d’un prétendu « retard » que l’Eglise aurait à compenser mais à l’aune de la complémentarité des missions de l’homme et de la femme que l’Eglise a toujours affirmée. Un fruit concret de ce synode devrait être la participation plus fréquente des femmes dans la gestion des paroisses et des diocèses, pour qu’elles y apportent leur propre charisme. C’est une avancée louable qui devrait susciter la confiance.

L’audace réside enfin dans le déploiement de cette méthode à l’échelle du 1,4 milliard de catholiques présents dans le monde au cours des phases de réflexions, ce qui n’a jamais été vu dans aucune autre institution internationale à ce jour. Ce processus est perfectible : l’Eglise en est consciente, mais elle fait le choix d’apprendre en marchant. Beaucoup de jeunes Français par exemple, très actifs dans l’Eglise, n’ont pas pris part à la consultation dans les paroisses, et il est évident qu’il faudra trouver une nouvelle façon de les rejoindre pour leur permettre d’être présents lors des consultations de deuxième phase. Beaucoup d’évêques français le savent. A l’inverse, des moments exceptionnels ont été vécus lors de ce synode : pendant que leurs pays se déchirent, le chef de l’Eglise grecque-catholique d’Ukraine et l’archevêque catholique de Moscou auront travaillé ensemble autour d’une même table !

Les premières conclusions de ce synode devraient donc rassurer tous les catholiques de bonne volonté : pas de réforme éclatante à même de faire le buzz, mais une méthode enracinée dans le message du Christ, qui portera des fruits sur le long terme, en essayant progressivement de mieux avancer tous ensemble dans et pour l’Eglise. Une 2ème année de consultation et de réflexion va avoir lieu, avant une nouvelle assemblée synodale en octobre prochain : c’est l’occasion pour chaque catholique de se mobiliser afin de faire sa part dans la phase à venir.

Constance et Emmanuelle pour CathoVoice

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