La non-violence : l’appel du Pape François à l’occasion de la 50e journée mondiale pour la paix
Le pape François a fait de la non-violence le thème de la 50e journée mondiale de la paix, qui se tiendra le 1er janvier 2017. Célébrée depuis 1968, la journée de la paix est une initiative de l’Eglise catholique relayée par l’ONU, à l’occasion de laquelle le pape adresse un message aux dirigeants politiques du monde entier sur des thématiques sociales et environnementales.
François, qui avait choisi en 2016 l’éloquente exhortation « Gagne sur l’indifférence et remporte la paix », adresse en cette fin d’année un vigoureux appel à la non-violence (texte intégral ici). Sans naïveté ni esprit de démission, comme il le dit lui-même, mais en prenant un chemin autrement plus exigeant : convertir le cœur des hommes à la non-violence.
« Faire la non-violence active notre style de vie »
La définition donnée par le pape à cette notion emblématique de grands combats politiques du XXe siècle est originale : la non-violence est d’abord affaire de conversion personnelle. On retrouve là un leitmotiv du pape François, attentif à impliquer tous les hommes et chaque homme dans le combat pour transformer la société. Combat cosmique ? Peut-être, mais, comme le souligne le pape, « le champ de bataille sur lequel s’affrontent la violence et la paix est le cœur de l’homme ». La famille, autre thème cher au pape François qui lui a consacré une encyclique au printemps dernier, est directement impliquée dans ce combat : car si la violence sort d’abord du cœur de l’homme, l’éducation à la non-violence ne peut débuter que dans le cadre des familles. La construction de la paix commence entre les murs des maisons, au sein des familles. A ce prix-là seulement, elle peut devenir un principe actif.
« La violence profane le nom de Dieu »
Autre raison derrière le choix de ce thème pour la journée de janvier 2017 : sa dimension interreligieuse. Car la non-violence, pour le pape François, est un patrimoine commun des religions. Dans un climat de tensions religieuses extrême à l’échelle de la planète, le pape condamne avec force toute action violente menée au nom de Dieu, en faisant une forme de blasphème. La dénonciation, très forte, s’appuie sur l’un des messages clés de ce pontificat, qui est l’association de Dieu à la miséricorde, au pardon et à l’amour. Aux chrétiens, il est proposé en particulier de méditer sur le célèbre verset du pardon aux ennemis, la « Magna Carta de la non-violence chrétienne » (Mt 5, 38-48).
Ni technique, ni désengagement, ni passivité
On serait tenté de sourire devant l’angélisme d’un tel programme. Ce serait manquer la dimension exigeante et réaliste du message du pape. Il s’agit, dit-il aux dirigeants du monde, de croire au pouvoir de la raison et de la justice pour résoudre les grandes controverses internationales. Aux dirigeants politiques, François propose certes les spirituelles Béatitudes – les célèbres 8 maximes sur le modèle « Heureux les doux – le royaume des Cieux est à eux » – comme manuel d’action politique. Mais il cite aussi les figures de mère Teresa dont l’action sociale à l’échelle de Calcutta, de l’Inde et du monde peut difficilement être qualifiée de négligeable, et de saint Jean-Paul II, dont il rappelle le combat intellectuel contre le totalitarisme communiste. A ces deux géants du XXe siècle, qu’il a canonisés lui-même, le pape François adjoint la petite Thérèse de Lisieux, qui, depuis son Carmel normand à Lisieux, a tracé la « petite voix de l’amour », … modèle d’engagement dans le combat écologique dans l’encyclique Laudato Si.
Car non-violence ne veut pas dire non-action, encore moins désengagement du monde. Preuve en est la triple action de l’Eglise au niveau international, dans la promotion des normes morales, la participation aux institutions mondiales, et l’engagement de tout chrétien dans sa cité, un tryptique illustré de manière particulièrement poignante à Alep où les églises apportent une aide humanitaire considérable, tandis que leurs dirigeants se font les porte-paroles de la population civile prise au piège des combats. Ces efforts seront renforcés par la création d’un nouvel organe au sein du Vatican, chargé du Service du Développement humain intégral. Ce bureau, ou dicastère, dont la création avait été annoncée en août dernier, sera présidé par le cardinal ghanéen Peter Turkson. Fait notable, la section des migrants sera sous la responsabilité provisoire du pape lui-même.
Cette décision est un geste concret de l’Eglise pour mieux intervenir dans les problématiques mondiales, en plus de participer de la réforme et de la simplification de la Curie. Elle se traduira ainsi par la création de trois commissions chargées des œuvres sanitaires, de l’écologie, et de la charité.
Loin d’être un désengagement du monde, l’appel du pape à la non-violence se double donc de la promotion active des structures de charité à l’échelle du monde.