Commentaire

L’homélie muette du sapin de Noël

Par Franziska Harter –

Noël, fête des enfants, fièvre commerciale, une messe de minuit, des rues qui brillent en rouge et or, débat autour des crèches, nostalgie, une vague idée de paix et d’amour ou juste un bon moment en famille. Les images et sensations transportées par cette parole sont multiples. Temps désiré et attendu pour les uns, temps appréhendé pour les autres. Quand nous regardons autour de nous, en tant que chrétiens, nous pouvons déplorer le fait que Noël est devenu une sorte de « rush » commercial, agité et bruant au lieu d’être une oasis en dehors du temps, consacrée à l’attente du Seigneur et à ce mystère de la nuit sacrée de Noël. Ou alors, nous pouvons accueillir le fait que Noël reste un mot magique. Que nos contemporains connaissent ou pas le message chrétien de cette fête, ils sont dans l’attente de cette fête ! On s’y prépare, on est excités comme des enfants, remplis de la joie d’offrir et de faire plaisir aux proches. Des associations humanitaires constatent une augmentation importante de dons dans les semaines précédant Noël : Notre société sait que Noël est plus qu’une célébration du matériel, qu’il s’agit de penser également à ceux qui sont pauvres et défavorisés.

La France d’aujourd’hui n’a pas oublié le fond chrétien de cette fête –loin de là! A côté du père Noël, le symbole le plus présent de Noël est bien le sapin décoré. Or, quoi de plus chrétien que ce beau sapin brillant de mille feux, signe du Sauveur lui-même ? On peut objecter que les débuts de cette tradition appartiennent au monde pré-chrétien, où le sapin comme arbre toujours vert représentait la fécondité et l’immortalité. Aujourd’hui encore, le vert est la couleur de l’espérance et de l’attente de la renaissance de la nature au printemps. Mais le christianisme a toujours su intégrer symboles et coutumes sociales pour leur donner un sens chrétien. Il a accueilli, de cette manière, les bonnes intuitions humaines des peuples et a trouvé dans les expressions culturelles diverses en champ fécond pour y semer la bonne nouvelle du salut.

Le sapin de Noël tel que nous le connaissons aujourd’hui est entièrement chrétien : A certains endroits, vers la fin du Moyen-Age, on jouait autour de Noël des spectacles devant les portes des églises, représentant l’expulsion d’Adam et Eve du paradis. Pour symboliser l’arbre du paradis lors de ces représentations, on se servait d’arbres qui étaient toujours vert en hiver, donc de sapins, mais également de buis ou genièvre. Les arbres étaient décorés de fruits rouges pour symboliser le fruit de séduction. Les seuls fruits utilisables à cette saison en Europe étaient les pommes… qui ainsi sont devenus les prédécesseurs de nos boules de Noël !

La culture populaire a réussi à exprimer dans ce seul symbole toute l’histoire du Salut. Le péché originel et la résurrection sont mystérieusement présents dans cette nuit de Noël. Le 24 décembre rappelle la chute originelle qui a causé le malheur de l’humanité. Mais Dieu s’en est servi pour nous donner la plus grande preuve d’amour imaginable : Il n’a pas hésité à nous envoyer son fils, à devenir un petit enfant et se livrer entièrement dans les mains des hommes : « O Felix Culpa, quae talem ac tantum meruit habere redemptorem ! – Heureuse faute, qui nous valut un tel Rédempteur ! », comme l’Église chante dans la nuit de Pâques. Dieu devenant homme, pour que l’homme puisse devenir Dieu. Dieu devenant mortel, pour nous apporter l’immortalité.

Pour conclure, n’oublions pas que le sapin est décoré de lumières pour éclaircir la nuit. Pour nous, les chrétiens, la vraie lumière est le Christ qui éclaircit les obscurités de notre humanité : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi… Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ». » (Isaie, 9)

Est-ce que nous pouvons vraiment passer à côté de l’occasion de partager cette homélie muette du sapin avec nos amis loin de la foi ? Au lieu de regarder avec dégoût toute cette agitation, pourquoi ne pas évoquer l’histoire du sapin autour du prochain vin chaud ?

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