Réaction

Destructions d’églises : comment stopper l’hémorragie ?

Une sur sept, c’est le nombre d’églises qui seraient vouées à disparaitre prochainement, affirme Roselyne Bachelot dans un récent livre relatant ses deux années à la tête du ministère de la Culture (682 jours aux éditions Plon). Sur les 40 000 églises que compte la France, près de 6 000 seraient donc condamnées.

À chaque fois qu’un village de France voit son église disparaître dans un tas de gravats, le maire confie la même chose : la destruction de l’église ne se fait pas de gaité de cœur mais cette église représentait un budget d’entretien trop élevé comparé à sa faible utilisation. Pourtant l’église garde un poids symbolique dans nombre de communes en France : c’est là que l’on s’est marié, que notre grand-mère a été enterrée, que nos enfants, parfois, ont été baptisés. Mais qu’importe : le « grand manteau d’églises » est voué à être un peu plus troué chaque année.

Si vous êtes de ceux qui se désolent de la destruction des églises mais ne veulent pas se livrer au désespoir, il faut entendre les raisons avancées par les maires, ne pas refuser le réel mais l’accepter, aussi dur soit-il. Cessons de nous lamenter sur la disparition du patrimoine et retroussons-nous les manches.

Pour limiter la destruction des églises, il y a deux pistes qui répondent aux deux problématiques des maires : les aider dans la préservation et l’entretien des églises, et développer l’usage des églises.

Ne pas être pro-actif dans la préservation de son église c’est la condamner à long terme. Même si la commune a la charge de l’entretien des églises depuis 1905, le soutien des fidèles reste essentiel. Au XIXe siècle, ceux-ci étaient régulièrement sollicités pour l’entretien des églises et la construction de nouvelles. Les lois de 1905 les ont malheureusement déresponsabilisés. Il s’agit désormais de réinvestir cet enjeu.

Ainsi, par exemple, à Oeuilly dans l’Aisne, face à la dégradation de leur église, les habitants de la commune ont créé une association en aout 2014 pour soutenir la municipalité pour la restauration de leur église. Ils organisent des évènements et spectacles vivants pour financer sa restauration. Ils sont rejoints par une jeune association créée en 2020 : Arcade. Cette association regroupe des jeunes de 18 à 30 ans qui veulent s’engager en faveur du patrimoine. Sans compétence particulière mais armés de leur bonne volonté, ils aident dans des chantiers de restauration. Ainsi, de nombreuses solutions se déploient sans faire de bruit en France.

La deuxième solution est d’utiliser ces églises. Non pour changer leur affectation, c’est-à-dire pour les transformer en brasserie, boite de nuit ou salle de sport ; mais pour y prier, ce pour quoi elles ont été construites. En effet, il est tout à fait normal que les églises disparaissent au même rythme que la religion chrétienne en France. De même qu’une génération s’en va, la dernière à avoir été majoritairement chrétienne, de même les églises disparaissent. Si l’on veut garder les églises, il faut garder la foi, les deux vont de pair et ne peuvent être séparés.

Si vous vous opposez à la destruction des églises sans avoir la foi, il faut, je pense, chercher à comprendre ce qui vous émeut tant dans une église. Est-ce la beauté de l’édifice ? Alors demandons-nous ce qui permet une telle beauté. Est-ce le calme qu’on y ressent ? Alors demandons nous pourquoi nous ressentons ce besoin de calme. Est-ce cette sensation de présence apaisante ? Alors demandons-nous qui est présent. Est-ce la volonté de préserver un patrimoine commun ? Alors demandons-nous quel patrimoine immatériel soutien ce patrimoine physique. On ne peut se lamenter sur la destruction des églises sans se poser la question des motivations des bâtisseur, sur ce qui fait qu’une église nous émeut tant, sur ce qui cause cette harmonie et cette sensation de recueillement quand on y entre. Car une église a une âme, et changer l’usage de celle-ci corrompt cette âme. Prier dans une église permet, au contraire, de sublimer cette âme.

Si vous vous opposez à la destruction des églises et que vous avez la foi, alors il s’agit de développer la prière dans les églises, de multiplier les initiatives pour qu’une communauté de prière s’y retrouve régulièrement. Ainsi dans plusieurs églises, le presbytère, qui n’est plus habité par des prêtres, est confié à une jeune famille pour qu’elle développe la vie dans l’église. Les chrétiens doivent retrouver le chemin de leur église en dehors de la messe du dimanche, surtout dans les églises où la messe n’est célébrée que trop rarement. Il faut accepter l’inconfort d’un moment : le froid, le dur banc en chêne, la sonorisation grésillante, l’éclairage insuffisant, etc. En un mot il faut être un martyr : « un témoin », en grec. C’est-à-dire qu’il faut supporter ces petits désagréments pour porter un témoignage plus grand : l’église de notre village est un lieu de vie avec une communauté active.

Et pour ceux qui n’ont pas la foi, pour qui la prière ne signifie pas grand-chose, si vous aimez les églises, passez-y du temps, imprégnez vous de leur silence, écoutez le doux chant des bâtisseurs et des moines. Peut-être que ce chant sera pour vous un témoin de leur foi.

Erwan, membre de CathoVoice

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