Alors que débute aujourd’hui une Convention citoyenne réunissant 150 citoyens tirés au sort pour discuter d’un projet de loi sur la fin de vie, une idée assez répandue voudrait que les personnes affiliées à une religion – et notamment les catholiques, très engagés sur ce sujet – ne seraient pas légitimes à participer à ce débat, au nom d’une laïcité en réalité très mal comprises et dévoyée de son vrai sens. Ils ne seraient pas libres dans leur raisonnement, car aveuglément obéissant à une morale extérieure, et empêcheraient le débat, voulant imposer leurs vues aux autres. C’est ainsi qu’une tribune de l’Express, parue le 8 décembre et signée par 52 personnalités défendant le « droit à mourir dans la dignité », présente les choses.
Il nous parait essentiel chez Cathovoice de rappeler quelques points fondamentaux avant que ne s’ouvre en effet le débat sur l’euthanasie, qui concerne toute la société civile et tous ses membres. Le 9 décembre étant la journée de la laïcité, il convient également de rappeler ce qu’elle est face à ceux qui la manipulent pour en réalité censurer et empêcher tout débat contradictoire.
La laïcité est la séparation des Eglises et de l’Etat, loi votée en 1905 en France, c’est-à-dire la séparation des pouvoirs spirituels et temporels : l’Eglise catholique est pleinement d’accord avec ce principe et ne souhaite pas revenir dessus, au cas où certains en douteraient encore. Cette loi n’est pas la mise en place d’un athéisme ou d’un agnosticisme d’Etat, comme on en a trop souvent l’impression, ni une interdiction aux membres des différentes religions présentes en France de s’exprimer publiquement.
Un deuxième écueil voudrait que toute personne affiliée à une religion manquerait de liberté et ne serait qu’un jouet dans la main d’une institution visant à retrouver une influence perdue ; ou alors qu’une telle personne perdrait toute capacité de raisonnement face à une morale tombée du ciel, qui s’imposerait à l’Homme tel un totalitarisme inhumain. Ainsi dans l’inconscient collectif une parole catholique est bien souvent jugée moins légitime, car moins libre et moins rationnelle. Nous ne pouvons qu’inviter chacun à lire l’encyclique Foi et Raison de Jean-Paul II pour comprendre en quoi avoir la foi n’est en rien un renoncement à l’exercice de la raison, et que les catholiques ne sont aucunement moins rationnels que les autres, n’en déplaise à nos détracteurs. Enfin la liberté de conscience chère aux Défenseurs de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen est au cœur même de la foi catholique depuis le Christ : nous sommes nombreux, catholiques en 2022, à pouvoir témoigner que lorsque nous obéissons à une « morale » de l’Eglise nous n’obéissons en réalité qu’à notre conscience la plus profonde, qui se trouve être en accord avec ce que dit notre Eglise. Ce n’est jamais un renoncement à notre liberté. Jamais. Il n’y a pas besoin d’ailleurs de croire en Dieu pour rejoindre le commandement « Tu ne tueras point », fondement de la morale de nos sociétés contemporaines, et que chacun peut faire sien au plus profond de sa conscience, croyant ou non.
Un dernier point, enfin, sur ce débat de la fin de vie comme sur beaucoup d’autres : il s’agirait d’un problème de liberté individuelle, les choix des uns n’enlevant rien aux autres, alors que les catholiques ou autres religieux souhaiteraient imposer leurs vues à autrui. Tout d’abord nous souhaitons redire que nous ne souhaitons rien imposer à quiconque, et quand bien même nous le voudrions cela ne fonctionnerait pas : nous souhaitons simplement pouvoir participer à ce débat pour que les Français puissent se faire une opinion en connaissance de cause, ce qui ne semble pas toujours être le cas à l’heure actuelle. Ensuite, nous considérons en effet que ce sujet est un sujet collectif et non individuel, qu’il concerne la société tout entière : autoriser un médecin à tuer un patient malade, ou à l’aider à se tuer lui-même – à l’heure même où on lutte collectivement, à juste titre, contre le suicide – n’est pas un choix individuel. Les personnes en fin de vie ou atteintes de grandes souffrances, leurs proches et tout le personnel soignant seront en première ligne en cas d’une nouvelle loi. Nous serons également tous confrontés à un moment ou à un autre à ce sujet au cours de notre vie. Nous savons qu’un projet de loi permettant l’euthanasie aura des impacts sur la situation de l’hôpital, déjà mal en point, et sur le développement des soins palliatifs : ses conséquences seront collectives et nous concernent tous. Il nous paraît donc vital d’écouter les malades et les soignants qui sont confrontés quotidiennement à ce sujet, quels que soient leurs opinions, convictions ou croyances, et de tout mettre en place pour que notre société puisse accompagner véritablement les personnes jusqu’à leur mort, seule solution digne de la personne humaine.